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Habiter demain, la domotique, intelligence

et communication.

 

Jérôme Rousseaux, Ed. EGT / Nathan. 1989.

 

L'objectif de cet ouvrage est de montrer que la préoccupation première doit être le "domo", donc l'habitat et, finalement, "l'homme qui habite". Le "tique", qui évoque les nouvelles technologies, doit n'être qu'un moyen au service de l'habitant. Il est banal aujourd'hui de dire que c'est la technique qui doit être au service de l'homme, et non le contraire. Mais il n'est pas mauvais de le rappeler !

 

Le monde moderne connaît des évolutions sociales accélérées, les consommateurs sont de plus en plus informés et exigeants, les comportements sont moins standardisés qu'ils ne le furent dans les années d'après-guerre. Tout cela fait que les individus recherchent de nouvelles façons d'habiter. A ces nouveaux comportements, il existe des solutions qui, pour être efficaces, doivent simultanément utiliser les espaces, l'aménagement, les matériaux et les nouvelles technologies. Vaste sujet !

Définitions de la domotique

Les définitions "officielles" ont souvent une double approche technique et fonctionnelle : "Ensemble de services de l'habitat assurés par des systèmes réalisant plusieurs fonctions, pouvant être connectés entre eux et à des réseaux internes et externes de communication. Parmi ces fonctions, on trouve notamment l'économie et la gestion technique, l'information et la communication, la maîtrise du confort, la sécurité et l'assistance."

Le Petit Larousse, de son côté, définit la domotique comme : "Concept d'habitat intégrant tous les automatismes en matière de sécurité, de gestion de l'énergie, de communication, etc." Un élément suffisamment rare dans une définition de dictionnaire pour être ici noté : la présence d'un "etc." Qui en dit long sur l'imprécision et le caractère ouvert de la domotique.

Souvent, le champ d'application de la domotique s'élargit à tout ce qui intègre de l'électronique dans la maison. Si nous avons décidé dans cet ouvrage d'intégrer des éléments d'aménagement ou d'architecture, nous ne ferons que peu de place aux problèmes du tertiaire pour mieux nous consacrer strictement à l'habitat.

 

La domotique : une évolution, pas une révolution

La dimension électronique de la domotique n'est que le prolongement dans la maison d'une évolution qui a déjà boulversé le monde du bureau (bureautique et "immeubles intelligents") et de l'usine (productique). Parce que les entreprises et les administrations se sont équipées de nombreux outils d'informatique et de télécommunication, des outils performants, hier très chers, atteignent des niveaux de prix permettant d'envisager leur entrée dans les logements.

En simplifiant, on peut dire que dans les années 1960 et 1970 ont été celles de la "maison consommation" avec l'arrivée de nombreux produits électroménagers : téléviseurs, téléphones, réfrigérateurs, machines à laver, petit électroménager ... Les années 1980 de leur côté peuvent être symbolisée par la maison "communication" : succès du Minitel, arrivée des radios et télévisions privées, développement des réseaux câblés, banalisation des antennes satellites, arrivée de nouveaux services de télécommunication (Transveil, radio-téléphone, paging, Numéris ...). La maison s'ouvre sur l'extérieur. Comment symboliser les années 1990 ? La domotique va permettre un nouveau type d'habitat que l'on pourrait qualifier de "maison système".

 

 

 

 

"Le système à habiter"

Pendant longtemps, les appareils ont été installés dans les logements sans que leur environnement -espace et technique- soit bien adapté. La domotique va permettre aux produits de mieux communiquer entre eux, avec leur environnement et avec l'extérieur. C'est ce phénomène qui permet de parler de "maison système", "maison interactive" ou encore "maison service", l'interactivité étant susceptible de délivrer de nombreux services nouveaux.

En reprenant l'expression de Le Corbusier définissant la maison comme "la machine à habiter", on pourrait aujourd'hui introduire la notion de "système à habiter". Une machine est limitée dans ses applications, comme l'indique le sociologue Jean Baudrillard : "Pour rendre un objet pratique automatique, il faut le stéréotyper dans sa fonction et le fragiliser". Jean Baudrillard constate ainsi, dès 1968, qu'après avoir fait imiter ses fonctions primaires (gestes) par la machine, l'homme projette ses fonctions superstructurelles (autonomie de la conscience, pouvoir de contrôle) sur les objets automatisés. Une réflexion qui s'applique très bien à la "maison intelligente". Jean Baudrillard donne à l'importance de la technique dans les sociétés modernes une dimension mythologique, l'homme devenant le modèle instrumental d'un nouveau type de société où les objets remplacent les dieux.

Cette sublimation de l'homme dans l'objet préconise bien le double sentiment de fascination et de crainte que peut susciter la domotique. La "maison intelligente", en transposant le système nerveux humain à la maison, fait éclater la standardisation des comportements dans l'hbitat, source d'insatisfaction pour l'usager. Mais pour ce même usager, le syndrome de l'homme passant sous le contrôle de l'ordinateur, comme dans le film de Stanley Kubrick 2001 L'Odyssée de l'espace est source de crainte. Face à cette crainte s'impose différentes contraintes, notamment la fiabilité, le service, le pilotage manuel et la facilité d'utilisation. La fiabilité est essentielle car ça n'est pas la peine d'éliminer des soucis d'un côté pour en amener d'autres par ailleurs. Le service, et notamment le service après vente est important pour rassurer l'usager. Un système domotique devra toujours laisser la possibilité de subir une dérogation pour être piloté "comme avant". La technologie doit être invisible et c'est l'objectif de l'ergonomie que faciliter le dialogue entre l'homme et la machine.

En fait, le "système habiter" symbolise un nouveau type d'habitat où les "outils" de la vie de tous les jours chez soi ne sont plus "empilés" tant bien que mal, mais organisés et interactifs.

 

Les moteurs de la domotique

La concordance de nombreux phénomènes permet d'expliquer l'engouement, notamment en France, pour la domotique.

Dès 1984, Bruno de Latour, journaliste visionnaire, créait l'Association pour les Maisons du Futur : un lieu de rencontre et de réflexion qui est vite devenu le vivier de la domotique. En organisant des voyages, des journées d'études, en participant à de nombreuses manifestations, l'A.P.M.F. a permis aux industriels français de mieux connaître la domotique. Depuis, divers organismes côtoient l'A.P.M.F. dans un environnement où une simple association ne pouvait tout assumer. On trouve d'autres associations (Urba 2000, H.D. 2000 à Rennes, I.N.C.A.), des représentants des professions (Institut Français du Bâtiment, clubs SDI-domotique de la F.I.E.E., F.N.E.E.), des institutionnels (E.D.F., G.D.F., France Télécom, E.G.T., T.D.F.), des ministères. Il y a tant de domaines d'activités concernés par la domotique qu'il est impossible d'être exhaustif.

Au milieu des années 1980, les entreprises du bâtiment et de l'électronique ont compris la nécessité de travailler ensemble. Les industriels de l'électronique grand public arrivaient à des saturations sur de nombreux marchés. Le bâtiment sortait de son côté d'une crise terrible et sentait la nécessité de renouveler son offre et d'offrir de nouvelles prestations pour différencier le neuf et l'ancien. De nombreux autres phénomènes sont mentionnés dans les chapitres qui suivent : baisse du prix de l'électronique, évolution sociale, motivation des pouvoirs publics, etc.

Après avoir privilégié la voiture, les sorties ou les voyages, Européens et Américains redécouvrent leur home sweet home. Mais finalement, dans la mesure où un "habitant" passe de 60 à 80 % de sa vie dans sa maison, ils ne l'avaient jamais vraiment quitté ...

Les fonctions de l'habitat aujourd'hui : fonctions fondamentales et évolutions

Les besoins fondamentaux

 

Abraham Maslow est un psychologue américain connu pour sa théorie de la motivation. Maslow classe les besoins de l'homme en cinq catégories qui sont, dans l'ordre : les besoins physiologiques (manger, boire, dormir, respirer...), les besoins de sécurité (abri, protection, stabilité...), les besoins d'appartenance et d'affection, les besoins de l'ego ou d'estime (reconnaissance en soi, statut, prestige...) Et les besoins d'accomplisement de soi (épanouissement personnel, créativité...). Maslow considère que tout individu cherche en priorité à satisfaire chacun de ces besoins selon cet ordre, et ce n'est qu'une fois un besoin satisfait, que celui de niveau supérieur apparaît. Cette théorie met en évidence l'importance de l'habitat puisque la maison est le seul endroit susceptible d'apporter les satisfactions à l'ensemble de ces besoins.

 

La standardisation des comportements

La variété des fonctions et activités liées à l'habitat nous amène au problème de la standardisation. Pendant longtemps, la maison a été conçue pour répondre à des standards d'habitation type "années 1950" (la famille de deux ou trois enfants, unie pour la vie). Cette uniformité de conception a-t-elle entraîné une normalisation des comportements ? Il est certain qu'au cours du XXème siècle -et notamment dans l'après guerre- se sont introduits dans la grande majorité des logements des systèmes et des produits qui ont eu des conséquences immédiates sur les comportements : électricité, eau courante puis eau chaude sanitaire, évacuation, téléphone, télévision ... Il est ainsi de nombreux comportements qui sont en communs à tous. Mais, depuis la fin des années 1960, les sociologues notent de fortes tendances à la différenciation personnelle. Que ce soit dans les opinions, les comportements d'achat, l'usage des objets de la vie courante, les individus se refusent de plus en plus à "faire comme tout le monde". Dans l'habitat, cela peut concerner beaucoup de choses : organisation des espaces, horaires, ambiances, accueil d'amis, etc. Quel est alors le plus petit dénominateur commun entre les occupants possibles d'un logement ? Faut-il construire des logements pour tous mais mal adaptés à chacun, construire pour la majorité, ou construire selon certaines catégories d'usagers étiquetés et "parqués" ensemble ! C'est une question délicate aux aspects économiques essentiels : un habitat ciblé s'adressant à une population plus restreinte, sera, à priori, plus difficile à vendre ou louer. Face à ce problème, la tendance a été jusqu'à présent de construire pour "tous". Mais l'évolution des besoins, l'exigence accrue des occupants et leur volonté de se démarquer poussent de plus en plus de promoteurs à personnaliser davantage leur offre. C'est une tendance qui devrait se confirmer en cette fin de siècle.

L'Institut Français du Bâtiment a dégagé des fonctions et des activités à l'habitat.

Ces fonctions sont :

—fournir aux usagers des espaces adaptés pour mener leurs activités;

— fournir aux usagers des ambiances adaptées à leurs activités ; types d'ambiances envisageables : thermique, acoustique, olfactive, lumineuse, tactile et psychologique;

— mettre à la disposition des usagers des biens/outils nécessaires à leurs activités ;

— maîtriser les relations entre l'ensemble et chacun des usagers ; pour chaque usager, la relation peut s'établir avec des individus au sein du logement (famille) ou à l'extérieur (voisins), et avec la collectivité;

— maintenir en état le groupe humain, ses biens et outils en cas d'événements exceptionnels : la maison abri;

— s'adapter au site : maîtrise des rejets (solides, liquides et gazeux), conditions d'insertion dans le paysage;

— sémiologie : c'est la qualité du vécu de l'habitat par l'usager et l'image qu'il en perçoit (statut).

Les activités sont : préparer et consommer les repas, ranger les produits ou appareils ménagers, stocker les produits alimentaires, laver, sécher et repasser le linge, accueillir les visiteurs, se réunir avec des amis, regarder la TV/vidéo, dormir, se laver, aller aux toilettes, se détendre, faire des exercices de gymnastique, garer sa voiture, créer-bricoler, jardiner, lire-écrire, jouer, télétravailler.

Commmuniquer

Le besoin de communiquer

 

Le foyer a toujours été un lieu privilégié pour la communication. Celle-ci, autrefois centrée sur la famille et l'environnement proche (amis, voisins...), s'est considérablement élargie au cours du XXème siècle.

La première étape de l'ouverture du foyer vers l'extérieur a été le courrier, puis tout s'est très vite accéléré avec la radio, le téléphone et la télévision. Moyens de transport et moyens de communication ont évolué dans le même sens pour finalement boulverser le champ de préoccupation des individus. Autrefois très tournés vers les événements locaux (le temps qu'il fait, le puits du père Thomas, la mère Michel qui a perdu son chat), les centres d'intérêts ont vite pris une dimension nationale puis internationale. Grâce aux moyens de transport et au téléphone, les familles souffrent moins de la dispersion imposée par les études ou le travail.

Le confort

Les différents types de confort

 

Comme pour la sécurité, la notion de confort permet de nombreuses interprétations et est difficile à standardiser. Pour l'un, le confort ce sera une température ambiante de 22 degrés, pour un autre, ce sera 18 degrés... Mais dans un bon fauteuil ! C'est un concept qui dépend de nombreux paramètres comme l'âge, le métabolisme, les habitudes, l'environnement, le milieu social ; la dimension subjective étant essentielle. Comme la sécurité, le confort, c'est aussi ce qui ne se remarque pas ; ce qui se remarque c'est l'inconfort (ou l'insécurité). Une maison intelligente doit donc offrir le moins d'inconfort possible à ses occupants. Les différentes approches du confort peuvent être séparées en deux grandes familles : confort d'ambiance (confort thermique, qualité de l'air, nuisances, eau chaude sanitaire), et confort d'usage (mobilier, aménagement, décoration, éclairage, tâches ménagères).

Travailler et s'informer

Le travail à domicile ou le retour de l'"industrie familiale"

 

Dans La troisième vague, Alvin Toffler consacre un chapitre entier à "la maison électronique". Il y est beaucoup plus question du travail à domicile. Le fameux auteur du Choc du futur annonce le retour à une "industrie familiale", le foyer devenant le centre de la société. Il est certain que la part des travailleurs manipulant des biens matériels est en baisse régulière, alors qu'une part croissante de tâches peut s'effectuer n'importe où grâce à l'utilisation de la micro-informatique et des télécommunications (pour les travaux nécessitant les télécommunications, on parle aujourd'hui de "télétravail").

Alvin Toffler constate que l'entassement des individus dans les usines et dans les bureaux est récent ; jusqu'au XIXème siècle, l'homme travaillait surtout chez lui ou à proximité immédiate (dans les champs, les commerces...). Le télétravail n'est donc qu'un juste retour des choses.

Les avantages du travail à domicile sont nombreux ; le plus important d'entre eux est sans doute l'élimination partielle des déplacements entraînant parte de temps, fatigue nerveuse et physique.

 

Les obstacles du travail à domicile

 

Le développement du télétravail est freiné par de nombreux facteurs psychologiques. En effet, l'endroit où l'on travail n'est pas seulement un "lieu de travail", mais aussi un lieu d'échanges sociaux : relations induites par la fonction dans l'entreprise, échanges informels dans les couloirs, à la cantine, au sein du syndicat... Se trouver seul chez soi face à un écran n'est pas pour plaire à tout le monde et cela se comprend. Autre élément psychologique important : la crainte d'être en tête de la liste de licenciements en cas de problème. Le contact personnel est essentiel dans le travail et il semble en effet difficile de se faire "bien voir" ... à distance.

L'habitat face à l'évolution sociale

 

Quelles évolutions sociales ?

 

L'accélération

Les évolutions sociales s'accélèrent. Jusqu'au XXè siècle, la vie d'un homme ressemblait beaucoup à celle de ses parents. Les progrès de la science et ses conséquences sur l'univers quotidien de l'humanité sont incontournables et ont des répercussions sur l'ensemble des données sociales : démographie, moeurs, niveau de vie, tendances socio-culturelles, etc. Les comportements des hommes changent et sont imprévisibles.

 

Le vieillissement de la population

L'élément fondamental qui va marquer la fin de ce siècle dans le domaine démographique des pays industrialisés est le vieillissement de la population. Un phénomène qui s'explique par la baisse de la natalité et le prolongement de l'espérance de vie. L'abaissement de l'âge de la retraite augmente de son côté le nombre de retraités. Outre ses conséquences sur de nombreux secteurs d'activité (médical, pharmaceutique, assurance...), ce phénomène a des conséquences aussi dans l'habitat. De par leur mobilité réduite, leurs moyens souvent limités, les retraités passent beaucoup de temps dans leur logement.Un nombre croissant de constructeurs réalisent des opérations spécifiques pour cette population. Les résidences troisième âge fleurissent ici et là. Elles permettent aux personnes âgées d'occuper de véritables logements personnalisés tout en bénéficiant d'un suivi médical et de nombreux services inconcevables dans un logement traditionnel (repas, hygiène, surveillance...).

C'est un moyen aussi d'éviter la solitude sans subir la tristesse des hospices. La domotique offre là de nombreux moyens de surveillance et de communication avec les personnes pour offrir un service efficace. Des moyens qui peuvent, d'ailleurs, s'adapter également aux logements existants ; ce qui offre la possibilité aux personnes âgées de rester chez elles tout en bénéficiant de surveillance et de services partagés à l'échelle de la commune. Côté produits, la technologie offre de nombreux conforts d'usage fort utiles pour les personnes souffrant de handicaps physiques : télécommande, reconnaissance vocale, détection infra-rouge...

 

La famille éclatée, les réseaux

Le scénario de l'histoire de la famille passe du stade de celui du Film à celui du feuilleton : la banalisation du divorce et de l'union libre font que la vie familiale devient, pour un nombre croissant d'individus, une succession d'épisodes de vie seul ou en "famille". Ainsi, il n'est pas rare pour un adulte de passer d'une vie de couple avec enfants à une situation de célibataire, pour ensuite reformer une famille avec un nouveau partenaire et les enfants d'un premier mariage... Le divorce touche près d'un couple sur quatre en France, un couple sur deux au Danemark ou en Suède. Se développe alors ce que les sociologues appellent la famille monoparentale. En 1986, près d'un enfant sur dix vit avec un seul de ses parents ; ils sont plus nombreux chaque année.

Parallèlement, Catherine Bonvalet, chercheuse à l'Institut national d'études démographiques, note la résurgence des réseaux familiaux : « Ce n'est plus seulement le ménage qui élabore une stratégie résidentielle, mais tout un groupe de personnes, parents, amis, collatéraux... » Ainsi, un couple séparé cherchera la proximité ou se rapprochera de parents pour faciliter la garde d'enfants. Cette observation va dans le sens d'un affaiblissement du pouvoir de l'Etat sur les familles et de la "décentralisation" du foyer lui-même : « Au lieu de rester une institution centralisée, la famille évolue vers le mode d'une association contractuelle : rééquilibrage des rapports entre l'homme et la femme, investissements à long terme dans les enfants dont le premier devoir n'est plus l'obéissance mais la réussite, revalorisation des relations latérales ou plus lointaines... »

L'ensemble de ces éléments a d'autres conséquences sur l'habitat. Pour des raisons Financières, pratiques ou sentimentales, chacun décide de garder ou de quitter le logement. Un jeune couple qui décide d'acheter un logement et s'engage pour 30 ans de crédit a environ une chance sur deux de ne pas arriver au bout... Un seul conjoint aura-t-il alors les moyens suffisants pour assurer les échéances ? L'autre peut aider financièrement celui qui a la charge des enfants, mais il doit aussi prévoir chez lui un espace pour les accueillir. Il peut donc difficilement se contenter d'un studio. Se pose alors le problème de la mobilité des occupants... et du logement lui-même. Autre élément : la disparition progressive des familles nombreuses. Si l'on en trouve encore quelques cas en milieu rural ou dans des familles d'immigrés, la famille de sept personnes ou plus devient un phénomène rare (1,9 % des ménages français en 1982).

 

Les personnes seules

Jeunes, célibataires, divorcés, veufs ou veuves, ils sont de plus en plus nombreux à vivre seuls : un ménage sur quatre en France, près d'un sur deux à Paris. Or, le parc de logements disponibles est mal adapté à cette demande, ce qui entraîne parfois des "bricolages" dans des logements non conçus pour ce type d'occupants.

Les façons d'habiter

L'évolution des comportements

II y a autant de façons d'habiter que d'habitants. Si l'on compare avec les façons de consommer, on note une même tendance à la disparition d'habitudes standardisées. Les individus cherchent de plus en plus à se démarquer, à se procurer des produits originaux et personnalisés. Quelles que soient leurs catégories socio-professionnelles, les Français n'hésitent pas à acheter des produits haut de gamme, quitte à faire des sacrifices par ailleurs. Une attitude qui s'observe dans l'achat du logement.

 

Les socio-styles

La Fédération Nationale du Bâtiment a fait réaliser en 1986 une étude sur les attentes des consommateurs relatives à leur habitat en fonction de leurs styles de vie. Cette étude a fait émerger quatre styles d'habiter : famille "espace", famille "maison", famille "tradition" et enfin, famille "confort". La famille "espace" est la plus insatisfaite de son logement actuel. Elle cherche à bénéficier à la fois des avantages de la ville (activités, rencontres) et de la campagne (espace, nature) ; dans son organisation interne, elle privilégie l'indépendance de chacun et la convivialité. La famille "maison" est ouverte à l'innovation, à la nature et aux amis, elle se lasse des configurations trop fonctionnelles et désire un logement particulièrement personnalisé. La famille "tradition" est plutôt satisfaite de son logement, si son architecture extérieure est de forme trapue et assez massive, l'organisation interne est très cloisonnée, les enfants notamment sont tenus à l'écart. La famille "confort" est d'autant plus insatisfaite qu'on la trouve surtout en habitat collectif: manque d'espace, promiscuité, anonymat urbain, absence de nature. Elle a tendance à se replier sur elle-même et rêve d'acheter une maison susceptible de protéger la cellule familiale, d'assurer une rentabilité économique et de proposer du confort matériel. L'Institut Français du Bâtiment a suivi la logique de ces travaux pour expérimenter un logiciel qui suggère certains types d'organisation des pièces selon les usages attendus de l'habitat par les occupants et à partir de leur mode de vie. Ce logiciel exploite les résultats de questionnaires remplis par des occupants potentiels. Une initiative originale à suivre par les professionnels.

 

Prévoir ?

II est de nombreux autres phénomènes de société ayant des répercussions dans les façons d'habiter : le travail des femmes, le chômage, les animaux domestiques, le pouvoir d'achat, la recherche simultanée d'autonomie et de communauté... Certains ont été mentionnés, mais il serait difficile de tous les décrire.

La complexité des études sur la société rend les exercices de prévision particulièrement périlleux. Or, ses conséquences sur l'habitat doivent être prises en compte par les architectes. Il est important pour les décideurs en ces domaines de suivre de près les évolutions sociales. Un bâtiment étant construit pour au moins cinquante ans, si les concepts architecturaux actuels de l'habitat ont vingt ans de retard comme c'est parfois le cas, dans cinquante ans ils auront soixante-dix ans de retard ! C'est à cause de cette myopie architecturale que bon nombre de Parisiens occupent des appartements où la cuisine est éloignée de la salle à manger, avec salle de bains minuscule et lieux de rangements inexistants.

Vers une nouvelle architecture de la maison

 

Pascal Amphoux : "La domotique, en tant qu'innovation technologique, ne pénétrera pas le logement de façon convaincante sans innovations sociales et architecturales parallèles".

 

Le rôle de l'architecte

Jusqu'à présent, les architectes ont peu réagi aux nouvelles technologies et à l'évolution des réseaux domestiques. Privilégiant la partie beaux-arts (espaces, perspectives...) à la partie technique du bâtiment, ils ont délaissé cet aspect ce qui a profité à d'autres corps de métiers (bureaux d'études, métreurs...). Frustrés par les limites budgétaires incontournables, peu ont compris que la domotique engendrait un renouveau possible de l'habitat et de leur profession.

Les produits et leurs usages, les systèmes, les comportements et les évolutions sociales ont des conséquences sur l'architecture. Face à la volonté de différentiation, l'individu désireux de se faire construire sa maison a besoin d'un interlocuteur unique susceptible de façonner une maison correspondant à son mode de vie, une maison correspondant à l'usage que lui et sa famille veulent en faire. Cela concerne la distribution des espaces, mais aussi les équipements, les rangements, le chauffage, la sécurité, l'isolation phonique, etc. Les architectes ont traditionnellement une approche "espace" de l'habitat, les constructeurs ont une approche économique, la domotique est l'occasion d'introduire une approche "usage" à l'écoute de l'occupant. Cette évolution est, en fait, le prolongement d'une cassure provoquée par Le Corbusier dans les années 1920 qui allait faire passer la priorité du travail architectural du traitement des formes extérieures à celui de la conception des espaces intérieurs.

 

La redéfinition des espaces

 

L'augmentation des surfaces

Au début des années 1950, on comptait une pièce par personne dans la plupart des pays industrialisés. En 1980, ont était passé à deux pièces par personne. Même si cette évolution s'explique en partie par la diminution de la superficie des pièces, on peut constater qu'en France la surface des logements augmente : elle est passée de 77 mètres carrés en 1978 à 88 en 1988. Globalement, donc, les conditions d'habitation dans les pays industrialisés s'améliorent régulièrement.

 

L'évolution des pièces

La pièce sur laquelle pèse le plus fort mécontentement semble être la salle de bains, mais chacune subira des évolutions à moyens terme. La suppression de certaines pièces autrefois classiques dans les belles demeures (salle à manger, bureau, bibliothèque) entraîne le développement des pièces multi-usages. La salle à manger se dédouble entre le salon et la cuisine, le bureau investit le salon ou la chambre, la bibliothèque se greffe au salon.

Le coût élevé des loyers en ville entraîne parfois des approches radicalement nouvelles de la distribution des espaces. La chambre disparaît, la cuisine se transforme en coin cuisine, la douche se plie... La mezzanine peut permettre de gagner de la place.

 

Des projets originaux

Une approche intéressante a été proposée par deux jeunes architectes, Jean-François Delsalle et Jean-Baptiste Lacoudre. Le projet, baptisé HOSI -habitat ouvert à services intégrés- offre un moyen de libérer l'espace habité de l'asservissement aux contraintes techniques. Pour cela, réseaux et services sont réunis sur deux murs techniques. L'un rassemble les "services intégrés humides" (cuisine, buanderie, salle de bains), l'autre les "services intégrés secs" (communication et stockage). Entre ces deux murs, l'occupant est libre d'aménager l'espace ouvert à sa guise avec beaucoup plus de liberté que dans un appartement traditionnel.

 

C'est en partant du constat que la cuisine et la salle de bains obligent l'architecte à pré-définir les usages des pièces, que Pierre Miquel a poussé la réflexion jusqu'à imaginer des cuisines et des salles de bains mobiles. Les surfaces sont réparties en "cases" égales, alors qu'un couloir central et un balcon extérieur distribuent les espaces. La cuisine est un "mur cuisine" à mobilité réduite, mais la salle de bains est sur roulettes et va dans la pièce sur demande. Avec une telle configuration, aucune pièce n'a de fonctionnalité attribuée a priori ; un appartement peut s'adapter aussi bien à une famille nombreuse qu'à des célibataires qui cohabitent. Cela laisse aussi la possibilité aux appartements d'évoluer en superficie selon les besoins de chacun, et les disponibilités.

 

De nouvelles pièces ?

Un nombre croissant d'architectes avance l'idée de la création d'une pièce technique. Celle-ci pourrait se voir attribuer un nombre important de produits ou de fonctions : centrale domotique, lavage-séchage-repassage-stockage du linge (buanderie), réserve de produits alimentaires de longue conservation, rangement (vêtements, articles de sport et de loisirs, outils...).

Une équipe de jeunes architectes du PAN 14 (Lipsky, Meyer et Rollet) a imaginé une pièce d'un type nouveau : "l'insula". C'est une petite cabine individuelle dont le concept évoque le boudoir d'antan. Très isolée phoniquement, elle permet à un occupant du logement de s'isoler pour se détendre au calme, lire, dormir ou, à l'opposé, écouter de la musique très fort sans déranger les autres. Un bon moyen d'assumer le désir croissant des individus d'avoir les avantages cumulés de la solitude et de la communauté : "des individus qui cohabitent".

 

Domotique et espaces

La domotique, le réseau domestique et tous les équipements qu'elle gère boulversent le mode d'organisation traditionnel des espaces. Le rapport avec l'objet et le rapport avec les autres changent. C'est ce qui fait dire à Roger Perrinjaquet de l'Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne : "Des luminaires, des appareils portables, des commandes à distance façonnent d'autres découpages, de nouvelles spacialités. Le paysage sonore est modifiable. L'immatérialité et la miniaturisation, les deux principales caractéristiques attribuées aux nouvelles technologies, correspondent en fait à une rematérialisation et une création d'isolats infra-spatiaux". L'occasion pour Roger Perrinjaquet de lancer un avertissement aux architectes : "L'interaction homme / environnement se réalise à une autre échelle que celle traditionnellement envisagée par les architectes".

 

Les nouveaux espaces

Depuis les années 1960, des architectes travaillent à la conception d'habitats en "milieux extrêmes" : mer, montagne, déserts... Nixon et Kaplicky, du groupe "Futur Systems" aux Etats-Unis, ont ainsi conçu des modèles structuraux basés sur les formes naturelles animales ou végétales. Ainsi, le projet "Bubble" s'inspire de la méduse pour se présenter comme une bulle en PVC accrochée par des câbles à des points d'ancrages naturels.

Logement : Quelle adaptation aux besoins des occupants ?

 

Le logement personnalisé

A une certaine façon d'habiter, correspond un type d'aménagement et d'architecture approprié. Il semble alors logique, pour obtenir une satisfation maximale des occupants, d'adapter l'habitat à leur style de vie. Mais ça n'est pas si simple, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, les besoins évoluent avec le temps. Un enfant cherchera à démarquer, avec l'âge, son espacedu reste de la maison. Le passage à la retraite marque un changement fort de l'utilisation de l'espace. Un logement trop adapté à un moment précis risque alors de devenir source d'insatisfactions croissantes. Autre remarque, une personnalisation marquée d'un logement entraîne des difficultés accrues de revente ou de location.

A la demande du "plan Construction", le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) a réalisé une étude sur "La relocalisation des logements personnalisés". Des enquêtes auprès d'utilisateurs de logements personnalisés ont montré que toutes les personnes ayant acquis de tels logements l'ont fait sans la moindre difficulté. En revanche, côté maître d'ouvrage, la méfiance est de rigueur, la personnalisation pouvant entraîner des complications quant à la gestion du site.

 

Architecture et comportements

L'étude du CSTB mentionne l'impact positif sur les comportements de la variété dans l'architecture des logements. L'uniformité autrefois traditionnelle des HLM entraînait facilement des modes d'habiter caractérisés par l'isolement dans le logement, le repli sur la famille et une attitude très défensive vis-à-vis de l'environnement. Quelques expériences menées par exemple à Nancy (A.Sarfati) et à Cergy-Pontoise (Vauréal) ont fait apparaître qu'un travail architectural combinant la différentiation des logements, des façades, des espaces intermédiaires et extérieurs, est susceptible d'induire une ouverture des habitants vers autrui et la société.

 

Le logement flexible

Pour pousser les constructeurs à réfléchir à la flexibilité du logement, le ministère de l'Urbanisme, du Logement et des Transports a organisé un concours baptisé "La maison qui grandit avec la famille". De nombreux architectes et pavilloneurs ont proposé des méthodes de construction et des architectures facilitant l'adjonction de pièces nouvelles après la réalisation de la maison. Un tel projet permettrait à une famille de limiter son investissement initial pour agrandir la maison ensuite selon ses besoins et ses moyens.

 

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